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Lutte contre les discriminations, de quoi parlons-nous ? (2)


Oser parler...

Pourquoi suivre une formation-action pour lutter contre les discriminations et pour promouvoir la diversité ?

Au moment de m'engager dans une aventure pareille et d'y embarquer le bureau de l'association dont je m'occupe, je m'interroge : Pour quoi ?

Notre association s'est fixé comme mission de « Promouvoir les rencontres interculturelles avec l'Afrique de l'Ouest en général et le Mali en particulier, notamment par la pratique de la danse et de la musique ». Quel besoin pour une association comme la nôtre de suivre une formation de 4 jours pour lutter contre les discriminations et promouvoir la diversité ? N'est-on pas par essence, acteur et promoteur d'une certaine diversité ?

J'ai pourtant l'intuition que c'est une opportunité à saisir et au-delà, que c'est indispensable pour l'avenir de l'association. Pourtant je m'interroge, pour quoi faire ?

Me reviennent alors, quelques évènements…

Dans une vie passée, je manageais des équipes de consultants dont le métier consistait à accompagner des personnes dans leur repositionnement sur le marché du travail. Évidemment, nous savions que l'accès à l'emploi était plus difficile pour certains que pour d'autres. C'était tellement évident qu'il n'était pas nécessaire d'en parler, c'était intégré. Et puisque notre métier nous conduisait à accompagner tout le monde, nous pouvions même nous enorgueillir d'aider concrètement les personnes les plus en difficultés. Tout allait bien…

Jusqu'au jour où lors d'un séminaire d'équipe, le sujet est sorti avec une charge émotionnelle qui nous a tous surpris. Un consultant a lancé : « L'autre jour, quand j'ai eu M. Machin de l'entreprise

Bidule au téléphone, il m'a dit que pour son poste, il ne voulait ni noir ni arabe ». Le consultant ajoutant, à la fois gêné mais porté par un besoin évident de vider son sac : « Je n'ai pas su quoi répondre. Alors j'ai ricané comme s'il s'agissait d'une plaisanterie et j'ai écourté la conversation. Et depuis, je suis mal… ».

La discussion qui a suivi m'a permis de prendre conscience, assez brutalement il faut le reconnaître, que les consultants n'étaient pas du tout préparés à faire face à ce type de situation, alors même que c'était une évidence que le recrutement, donc le reclassement étaient reconnus comme présentant des situations parmi les plus discriminatoires. La question n'était jamais remontée par les managers. Au niveau de la Direction, nous n'avions rien mis en place pour aider et outiller les équipes à faire face à ce type de situation.

Devant un comportement aussi ostensiblement discriminant de la part d'un recruteur, le consultant était pris par un faisceau de questions et de contraintes qui l'avait tout simplement paralysé :

- Dois-je exprimer mes convictions et mes valeurs dans mon activité professionnelle ? - Je ne vais pas me le mettre à dos, peut-être que s'il ne veut pas de noir ni d'arabe, il acceptera un autre de mes candidats. - Ai-je le droit de lui dire que son comportement est insupportable et raciste ? Si je le fais, est-ce que je n'engage pas mon cabinet et notre client ? Et est-ce qu'on ne va pas me le reprocher ? - Et après tout, chacun a le droit d'avoir ses opinions. Il a bien le droit de penser ce qu'il veut, non ?

J'ai découvert également qu'au-delà de sa non réaction face au recruteur, le consultant n'avait pas osé non plus en parler en réunion d'équipe, ni même à son chef de projet. Peur d'être ridicule, peur d'être jugé non performant ou se posant trop de questions… Après avoir été seul à faire face à cette situation, il s'était de lui-même isolé dans les questionnements que cet évènement avait provoqués.

Cet épisode nous a conduits à mettre en place un plan de formation et de mobilisation pour « Intégrer la lutte contre les discriminations et promouvoir l'égalité des chances dans nos pratiques ».

Mais pour notre association culturelle avec le Mali ? Au moment où nous voulons donner une nouvelle dynamique à nos projets culturels, je me pose à mon tour tout un tas de questions :

- Le fait de promouvoir une certaine diversité culturelle, ne nous conduit-il pas à nous penser exemplaires et irréprochables en matière de respect des différences ? - Suffit-il d'aimer l'Afrique, sa musique, ses habitants pour ne pas développer des comportements discriminants ? - Le fait d'être acteur de la diversité culturelle nous exonère-t-il de nous interroger sur les autres formes de discrimination dont nous pourrions être les auteurs ? - Est-ce que le fait de respecter les spécificités culturelles maliennes m'interdit de questionner et peut-être même de remettre en cause certains comportements « sexistes » entre musiciens (hommes) et prof de danse (femme) ?

Alors je fais un pari… celui de partager mes questionnements, d'ouvrir le débat. Avec l'intuition in fine que notre dynamique collective en sortira renforcée et nos projets d'autant plus riches.

Nous serons quatre à suivre la formation proposée par le CR IDF et animée par Expression. Quatre à oser parler…

Jean-Luc Verreaux La Compagnie des Tambourlingueurs


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