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Situations conflictuelles dans les institutions : place de l’argumentation, de l’objection et des éprouvés

  • Expression
  • 16 avr.
  • 4 min de lecture

« L’approche psychosociologique admet que les différentes formes de conflits se posent aussi bien au niveau des dynamiques intrapsychiques du sujet qu’au niveau des structures groupales, institutionnelles et sociales » J. Barus-Michel


Le conflit intrapsychique, c’est l’opposition entre le principe de plaisir que Freud a nommé le  « ça » et le principe de réalité, le « surmoi », le « moi » mettant en place des mécanismes de défense pour faire face à ce conflit. Dans les groupes, plusieurs personnes peuvent exprimer des désaccords, des oppositions parce qu’elles ont des intérêts, des besoins, des valeurs différentes. Ces désaccords, quand ils s’expriment, apparaissent en lien avec des états émotionnels plus ou moins contenus, c’est ce qui définit pour moi le conflit. Lorsque ces désaccords sont tus pour préserver la sécurité ou ce qu’Anzieu a appelé l’illusion groupale, le refoulement du conflit ne peut conduire qu’à la violence généralisée (M. Benasayag). Je me réfèrerai dans cet écrit à Jean Bergeret qui réserve le terme de « violence » à un instinct purement défensif, l’agressivité étant une véritable attitude d’attaque de l’autre, ne constituant qu’une des variétés d’évolution de la violence naturelle.


Je propose de centrer mon propos sur ce qui peut se jouer dans les institutions pour faire face, le plus consciemment possible, à cette conflictualité. Nous pouvons faire « institution » en prenant en compte les différentes formes de violence à l’œuvre, ces formes de violence pouvant viser à protéger le sujet de la menace qu’il ressent au contact des autres (S. Chapellon). Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de mettre de la visibilité sur les conflits à l’œuvre pour élaborer autour de ce qui se passe quand les conflits arrivent enfin à s’exprimer : qui se sent attaqué ? Qui se défend de quoi ? 


Place - fonction - pouvoir


Les conflits dans les institutions peuvent être liés aux places occupées et aux pouvoirs supposés ou réels attribués aux personnes en conflit. L’institution est cette instance qui institue des places et des fonctions, inscrit des filiations, instaure des différences, assigne le sujet. Les affects, sentiments, émotions générés par les désaccords sont alors puissants et peuvent empêcher de comprendre les différences de compréhension, d’interprétation et de valeurs. Par ailleurs, dans les organisations, les personnes sont dépendantes d’un cadre, d’une organisation, d’objectifs à réaliser qui représentent autant d’obstacles pour trouver le temps nécessaire à la clarification des enjeux et des implications de chacun dans les conflits qui s’activent. Dissocier les temps de réflexion, d’élaboration, de construction de propositions et les temps de décisions est certainement une piste. Dans ce contexte, là encore la reconnaissance des différents pouvoirs et fonctions mises en œuvre par rapport aux décisions est nécessaire. Vous pouvez avoir le pouvoir d’élaborer, de proposer sans avoir celui de décider. Néanmoins cette attitude n’est pas assez reconnue et tend à être insuffisamment mise en place dans les institutions. Elle nécessite du temps et un cadre différent, il s’agit par exemple de différencier les espaces d’analyse des pratiques, de formation qui ne sont pas des espaces décisionnels et les espaces de réunions institutionnelles où des décisions vont être prises.  Cela suppose, par ailleurs de prendre du recul sur les enjeux autour du pouvoir. Nous pouvons ainsi tenter d’élaborer une clinique du pouvoir pour comprendre ce qui se passe.


Argumentation et objections pour agir


Pour prendre du recul par rapport aux états émotionnels suscités par le désaccord, il est important de clarifier quels sont nos arguments, notre raisonnement, nos valeurs et les principes qui les sous-tendent ainsi que les critères qui fondent notre jugement. Les expériences, le point de vue des experts sont également à mettre en valeur. Ainsi chaque partie prenante   se positionne clairement dans sa singularité vis-à-vis de ce qui fait désaccord. De plus, il est important de partir de propositions concrètes et de structurer des objections pour affiner les propositions. Enfin, comme le rappelle Yves Clot, il est nécessaire d’instituer le conflit des critères au cœur des décisions qui engagent le travail concret. Nous devons développer la coopération conflictuelle sur le travail bien fait et organiser le dialogue sur ces conflits de critères. Il s’agit de plus d’analyser quelque peu sa propre implication dans les conflits de manière à ne pas être sous l’emprise de ses propres conflits internes. A quel moment le traitement du conflit n’est plus constructif mais devient destructif ? A quel moment je lâche ou je tiens et pourquoi ?


Des temps de régulation pour développer les possibilités de conflictualiser


Quelles sont les instances, les espaces, les réunions où il est possible de faire face et de traiter les désaccords ? L’animateur, qui devient à ce moment médiateur, a-t-il la capacité psychique de se différencier et d’inciter chacun à s’écouter et à tenter de prendre en compte les arguments et les objections de l’autre ? Le conflit ne peut, par ailleurs, se limiter à des identités séparées et opposées l’une à l’autre, c’est un tissu complexe et entremêlé dans lequel des segments divers s’articulent à travers des tensions. L’idée est peut-être de favoriser l’émergence d’un sentiment de reconnaissance mutuelle où peuvent se reconnaître des éprouvés sans que cela ne soit d’emblée dangereux pour le sujet ou pour le groupe.


Christine Olivier, psychosociologue




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