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Kit de survie avant le 8 mars


Mélanie Daubanes a participé à la formation Lutter contre les discriminations Agir pour la diversité Construire l'égalité réelle, animée par Expression et financée par la Région Ile-de-France. Elle a accepté de témoigner sur la micro-action qu'elle a mis en place dans le cadre de ce dispositif.

A J-2 avant le jour J, petit kit de survie à portée de main pour répondre aux sceptiques, machos, faux-gentils et vrais misogynes… J’ai eu envie d’écrire ce texte parce que chaque veille de 8 mars, me reviennent en mémoire le lot de remarques sexistes que je vais me coltiner. J’avais envie de rassembler mes esprits et mes arguments pour contre-attaquer plus sereinement.

1. « Le 8 mars, ça ne sert plus à rien en France, franchement les femmes ont obtenu tous les droits et elles peuvent faire tout ce qu’elles veulent… »

REPONSE : Aujourd’hui en France, voici une liste non-exhaustive d’inégalités ou de discriminations vécues par les femmes (en cliquant sur les mots, vous trouverez des sites qui détaillent ces questions): Violences physiques et sexuelles, inégalités salariales, partage inégale des tâches domestiques, harcèlement de rue, plafond de verre, maternité imposée, pratiques de soignants abusives, diktat de la minceur, sous-représentation dans les médias (et rabaissement au rôle de potiche), sous-représentation en politique, dans les positions d’encadrement et de pouvoir, fermeture des centres d’IVG, proxénétisme, excision, mariages forcés (enquête Virage, les données franciliennes de l’ORVF) , … En complément, voici de la stat’ bien pure et dure : l’observatoire des inégalités recense et quantifie l’ampleur du phénomène en France aujourd’hui.

2. « Le 8 mars, c’est ridicule et culcul la praline… C’est l’équivalent de la fête des mères (même pour celles qui n’ont pas d’enfants) ou de la St Valentin (même pour celles qui n’ont pas de mec) ! »

Alors, à la base, comme c’est la journée de LUTTE POUR LES DROITS DES FEMMES, ce n’est pas censé être ridicule, inutile, et culcul la praline. Rappel historique : Le 8 mars est devenu la Journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à Copenhague, en 1910.

À l'initiative d'une journaliste allemande, Clara Zetkin, les congressistes décidèrent de consacrer cette journée « à la propagande en faveur du vote des femmes ».

Et c'est de la célébration de la Journée internationale des femmes qu'est sortie la Révolution russe de Février 1917...et tous les droits acquis depuis 100 ans par les femmes l’ont été de haute lutte collective : droit de vote, dépénalisation de l’IVG, contraception, parité, …

Sauf que la journée a été récupérée par les publicitaires pour en faire une vaste opération marketing qui tourne en dérision et focalise sur des qualités et des compétences supposées féminines qui nous réduisent à un stéréotype vivant. Mettant sous le tapis la raison d’être de cette journée, à savoir le rappel des combats menés et surtout ce qu’il reste à faire et à revendiquer pour qu’on jouisse d’une liberté totale (de mouvement, de notre corps, de choix de carrières, de vies familiales) et d’égalité. Quelques exemples de perles sexistes qui glorifient l’Eternel féminin, trouvées à l’occasion du 8 mars : Les roses offertes, les heures de RTT cadeau pour faire du shopping, le mec à la maison qui va repasser 2 pauvres chemises « parce que c’est TA journée ma chérie », pouvoir profiter d’un moment de détente, faire attention à soi (et celle-là aussi), contrairement au reste de l’année où nous sommes là pour les autres et enchainons les doubles journées de travail, concentrons-nous sur nos savoir-faire traditionnels,

3. « Mais c’est la journée de LA femme ? DES femmes ? des droits des femmes ? on peut plus rien dire ! »

Quand j’étudiais les questions de genre à la fac, un jour en cours, j’ai parlé du 8 mars comme de la « journée de la femme ». La réaction outrée de ma prof me glaça. Et honnêtement, en disant « la femme » ce jour-là, je ne voyais pas où étaient le scandale et l’erreur. Mes oreilles ne saignaient pas (encore). Et puis, à force d’entendre des gens corriger d’autres gens qui continuaient à dire « la journée de LA femme », et de me renseigner sur le sujet, ça a commencé à rentrer. Et progressivement, à me titiller moi aussi à l’intérieur. Je commençais à comprendre ce que ce petit mot, ce « la » devant « femme » avait, non seulement d’énervant, mais aussi de sexiste. C’est comme si «la femme» pouvait être un concept générique regroupant facilement toutes les femmes du monde entier. Ça peut marcher quand on parle d’anatomie (et encore…) : « LA femme a des ovaires, L’homme des testicules ». Mais c’est à peu près le seul cas où l’usage de l’article défini « la » est adapté. La plupart du temps, l’utilisation de ce générique est abusive; elle suppose que ce qui est vrai pour une femme est vrai pour toutes les femmes. Parler de «LA femme de moins de 50 ans», de «LA femme occidentale», «LA femme noire», «LA femme handicapée» permet de construire un groupe d’individus identiques. Ça vise à réduire toute cette diversité de femmes à une nature commune à toutes, essentielle, à nous réduire à notre biologie. Une biologie qui induirait des comportements sociaux, des aptitudes, des compétences données, elles aussi, à toutes les femmes. D’où les stéréotypes qui en découlent. Or, il s’agit de groupes composés de femmes toutes plus différentes les unes que les autres … Alors, cette année, pour éviter les polémiques sémantiques, j’ai envie de dire (et de vous proposer !) que le 8 mars, c’est la journée de lutte pour l’égalité entre les sexes! Cela aurait l’avantage de concerner tout le monde et permettrait au passage de ringardiser définitivement les offres promotionnelles dans les centres commerciaux et tout ce qui nous ramène à notre statut de consommatrice-potiche-futile-et-décérébrée…

Mélanie Daubanes Chargée de Mission Lutte contre les Discriminations, Région Île-de-France, Unité Société – Mission Démocratie Régionale Jeunesse


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