L'intelligence collective et le temps
La prise en compte du « temps » comme facteur indispensable au développement de l'intelligence collective !
Depuis deux mois, à travers les lettres d'information d'Expression (lettre d'octobre, lettre de novembre 2016), j'ai cherché à mieux définir le concept d'intelligence collective et notamment à éclairer ce qu'il apportait de nouveau, de différent par rapport à l'approche psychosociologique. J'ai pu ainsi expliciter en quoi le groupe de co-développement des pratiques pouvait être un outil au service de la construction de l'intelligence collective dans une organisation. En effet, si les participants d'un même groupe savent créer des interactions pour confronter leurs connaissances, leurs idées, leurs opinions, leurs questionnements, leurs doutes cela peut générer de la valeur, de la performance, un résultat supérieur à ce qui serait obtenu par la simple addition des contributions de chacun. Rappelons que le cadre du groupe de co-développement des pratiques propose effectivement à une personne d'exposer une question en lien avec un vécu et d'accepter que les autres participants du groupe interagissent sur son questionnement personnel. Un collectif d'individu recherche ainsi à atteindre un but commun en associant les efforts de chacun. Mais pour que cette dynamique se construise et que la somme des contributions individuelles soit une réelle valeur ajoutée par rapport, notamment à une contribution d'un expert, le temps est un facteur «clé ». Ce temps est utile pour que la confiance s'installe, pour que chacun accepte d'expliciter ses désaccords, ses divergences et ce non pas pour rechercher systématiquement à contredire l'autre, mais parce que chacun est porteur de riches différences. Ce temps est indispensable à la prise en compte du cadre et des places que chaque participant du groupe va tenter de prendre en fonction de ses représentations, de son histoire personnelle mais aussi de ses enjeux et de ses implications tout en devant dépasser des logiques de stratégie individuelle. Ce temps est nécessaire pour apprendre à se connaître, à faire médiation durant les interactions entre deux personnes si le conflit s'installe, pour dépasser les peurs et les insécurités liées à la situation groupale. Ce temps est précieux pour se dégager des représentations que nous avons du rôle des experts dans un groupe. Les participants doivent parvenir à reconnaître quelle place et quelles limites accorder aux personnes qui détiennent des savoirs aussi bien issus de connaissances théoriques que d'expériences vécues. Ce temps est vital pour que celui qui conduit le groupe puisse s'appuyer à la fois sur des connaissances du fonctionnement groupal et du contexte institutionnel dans lequel il intervient mais aussi sur sa place, son cadre et ses limites. Cela nous permet de rappeler que ce qui distingue une intelligence collective d'un travail collectif c'est le dépassement dû à la relation entre les membres du collectif. Or cette relation est dépendante de l'organisation mais aussi des personnes avec leur subjectivité et de l'intersubjectivité entre tous les membres du groupe. Nous percevons alors combien l'intelligence collective englobe et dépasse largement les capacités cognitives d'un groupe. Ce temps, il sera forcément trop court lors de notre atelier-débat du 11 janvier, organisé à L'IRCAM, où nous tenterons de partager avec vous notre conception du co-développement des pratiques au service de l'intelligence collective, d'enrichir notre pratique avec les témoignages d'un directeur d'une association dans le secteur social et d'une responsable RH d'un grand groupe français, mais aussi de mettre en oeuvre concrètement le co-développement lors d'un mini-atelier de co-développement.
Christine Olivier, psychosociologue, directrice d'Expression