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Quel cadre de travail pour le groupe : groupe fermé, semi-ouvert, ouvert ?



Quelques constats issus de ma pratique professionnelle


Depuis quelques années, je constate, parfois avec une certaine amertume, que les groupes dans lequel je tente de trouver une place soit en tant que participante, soit en tant qu’animatrice sont « à géométrie variable ».

J’ai pu remarquer, par exemple, lors d’une animation d’un groupe d’analyse des pratiques dans un foyer de l’Aide Sociale à l‘Enfance, notamment pendant le confinement, que les personnes présentes à la séance du jour ne l’étaient pas à la précédente.

Dans un groupe composé de sept tuteurs, au sein d’une grande entreprise j’ai terminé une séance de co-développement des pratiques avec une personne.

Nous n’étions plus dans un groupe et la remarque de la participante avec qui je continuais de travailler m’a encore davantage surprise lorsqu’elle m’a affirmé qu’elle ne participait qu’à des formations obligatoires. Certaines fois, elle était censée participer à trois réunions en même temps avec une présence obligatoire. Les représentations autour de l’obligation de présence dans le groupe étaient certainement bien différentes pour chacun.


Lien avec ma formation en psychosociologie


Lorsque je me suis formée à la psychosociologie à l’Association pour la Recherche et l’Intervention Psychosociologique, il y a une vingtaine d’années, nous formions un cercle avec une chaise vide pour signifier l’absence d’une personne qui aurait dû être présente. En me rappelant ce souvenir de formation, j’ai proposé, lorsque j’ai pu animer une séance en présentiel dernièrement, de laisser des chaises vides pour les personnes absentes. Les personnes présentes ont eu du mal à supporter et ont vite proposé d’enlever ces chaises vides. Le nombre d’absents dans une séance peut être vécu par les présents comme une attaque, un refus de faire équipe. Pour quelles raisons les autres sont-ils absents ? Dans le groupe d’analyse de la pratique à ce moment-là, cela pouvait être vécu, comme un refus de rendre compte de ses pratiques devant les autres. Cela peut également renvoyer le fait de faire partie d’« un mauvais groupe ». Dans tous les cas, chacun s’interroge sur les raisons des absences.


Deux formes de discontinuités coexistent


Au sein d’un groupe dans une institution, la discontinuité peut être structurelle et/ou accidentelle. Les professionnels seront-ils présents simultanément ou par « roulement » ?

La discontinuité structurelle tient au fait du turn-over, des contrats précaires, des départs en retraite, des congés prévus, de la présence ou non de stagiaires dans les groupes, de l’impossibilité de conjuguer les agendas de chacun malgré les « framadate » et les « doodle » .


La discontinuité accidentelle renvoie à tout ce qui n’est pas inscrit dans l’organisation du travail, à ce qui n’est pas prévisible par celle-ci ou par les responsables institutionnels. Elle peut être temporaire. Les absences pour maladie, maternité, congés non programmés, mutation, démission, promotion, mobilité ne sont pas toujours prévisibles.


Ce n’est pas aussi facile de distinguer les deux discontinuités surtout quand il est également possible que des personnes ne viennent plus participer au travail de groupe car elles n’en voient plus l’intérêt, ou parce que ce travail génère trop de difficultés et de contraintes pour elles. Ces personnes n’osent pas toujours exprimer ces raisons au sein du groupe.


Comment faire évoluer mes pratiques en fonction de ces évolutions?


Ces constats m’ont amené à faire évoluer mes pratiques en fonction du contexte actuel. En effet, je me rends compte que je suis rarement dans un groupe dit « fermé ». C’est-à-dire un groupe composé des mêmes participants à chaque séance et qui n’accepte pas l’accueil de nouvelles personnes dans le groupe.

Le fait que le groupe soit inscrit dans un cadre institutionnel provoque des processus particuliers qu’il est important de prendre en compte. Ainsi l’engagement singulier de chacun dans le groupe prend plus de place que l’entité groupe. Cette entité « groupe » étant de plus en plus prise, elle-même, dans le fonctionnement institutionnel et sociétal. L’idée est donc de préciser si le groupe est ouvert à chaque séance, s’il est semi-ouvert, c’est-à-dire que les personnes peuvent rentrer dans le groupe à chaque séance ou à des moments particuliers du travail du groupe.

Ainsi le fait de préciser, à chaque séance, le nom des présents et des absents devient une pratique incontournable pour comprendre comment chaque sujet qui compose le groupe va avoir un impact sur sa dynamique dans l’ici et maintenant de la séance.


Pour faire face à ces groupes à « géométrie variable » il est nécessaire de prendre en compte cette variabilité au moment de l’ouverture du groupe, de proposer dans le cadre un groupe semi-ouvert et d’expliciter les règles de fonctionnement quant aux présents et aux absents. Il est alors important de veiller à ce qu’un petit groupe de quelques personnes restent dans le groupe pour accueillir et intégrer les nouvelles personnes qui rejoignent le groupe.

Se questionner sur l’impact des présents et des absents sur la dynamique du groupe doit être pensé dès l’ouverture du groupe. En effet, il est difficile de faire porter le questionnement sur les absences auprès de ceux qui justement sont présents. Les temps de régulation sur le fonctionnement de groupe, en fin de séance, deviennent encore plus nécessaires dans ces groupes semi-ouverts et peuvent prendre en compte la question des présents et des absents et ce que cela génère pour chaque personne. Cela renforce ainsi la coresponsabilité de chacun vis-à-vis des autres et permet de laisser de l’espace à chaque fois pour que chacun exprime un peu son vécu en rapport au travail de groupe.


Christine Olivier, psychosociologue, directrice, intervenante Expression



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