Regard sur l’accompagnement des créateurs d’entreprise
Notre expérience d’accompagnante en orientation professionnelle et création d’entreprise, acquise auprès de créateurs d’entreprise, et que nous mettons aujourd’hui au service des professionnel.le.s de l’insertion, notamment dans le cadre de la formation « La création d’activité, vecteur d’insertion pour les jeunes », nous paraît intéressante pour apporter un éclairage particulier sur la notion d’accompagnement. Accompagner, selon Maela Paul (2004, p.60) « c’est se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui ». Pour tenter de résumer toutes les pratiques que ce terme recouvre, Maela Paul (2004) propose trois synonymes associés le plus fréquemment au verbe accompagner : conduire, guider, escorter. En les décrivant, l’auteur indique trois registres auxquels peuvent renvoyer les rôles et les pratiques de l’accompagnement :
Conduire : c’est accompagner quelqu’un quelque part, en l’incitant à aller vers une certaine direction, selon une certaine ligne de conduite. Nous sommes là dans le registre de l’éducation, de la formation, de l’initiation.
Guider évoque l’aide au choix d’une direction. C’est accompagner en montrant le chemin. Il ne s’agit plus d’exercer une autorité mais de délibérer ensemble, de tenir conseil sur l’orientation à choisir. Guider représente, dans l’accompagnement, le registre du conseil et de l’orientation.
Escorter évoque le souci de protéger, défendre, soutenir, réparer. C’est accompagner pour surveiller et protéger. Dans ce registre, l’accompagné est en position de vulnérabilité et la relation est asymétrique. Entre la fonction de direction et celle de guide se déploie le registre de l’aide, du soin, de la protection et de l’assistance.
Dans le travail d’accompagnement à la création d’entreprise, le conseiller pourra être amené à jouer sur ces différents registres : former une personne sur des sujets juridiques, financiers, administratifs… (conduire), l’aider à identifier ses ressources personnelles favorables à la création de son activité (escorter) et déterminer ses motivations et ses intérêts pour préciser son choix de créer (guider). Toujours selon Maela Paul, (2004), dans la relation d’accompagnement, le professionnel va à la fois occuper une fonction et adopter une posture. La fonction désigne ce que fait le professionnel dans le cadre de ses attributions définies par le cadre institutionnel. La posture définit la manière de s’acquitter de sa fonction. La posture est un choix personnel du professionnel qui véhicule ses valeurs dans la relation à l’autre. On peut distinguer deux types de posture :
La posture de l’expert qui tente de pourvoir, fournir, apporter un éclairage, des pistes, des hypothèses déduites de son champ disciplinaire » (Paul, 2004, p.150). Pour Revuz (1991), le conseiller expert utilise ses connaissances et des référentiels externes pour poser un diagnostic sur la situation de son client. Il établit un pronostic et le cas échéant, délivre une prescription. La posture de l’expert peut mener à une dépendance de la personne accompagnée qui attend de recevoir des solutions « toutes faites », à un découragement et à une dépréciation de l’estime de soi de la personne qui pense ne pas être capable de trouver les solutions par elle-même.
La posture du facilitateur, pour lequel l’accompagnement porte sur la personne dans sa globalité et non pas seulement sur son « problème ». Dans cette relation, la personne accompagnée est considérée comme autonome, capable de résoudre ses propres problèmes et actrice de ses choix et de leur mise en œuvre. L’objectif du facilitateur est d’aider le sujet à mieux comprendre sa situation et à se comprendre mieux lui-même, afin de choisir en toute connaissance de cause la solution qui lui convient le mieux.
Or, l’accompagnement vise à rendre le créateur autonome et l’accompagnant ne doit en aucun cas se substituer au créateur : son rôle se limite à accompagner une personne porteuse d’un projet dans le cheminement de son idée pour qu’elle aboutisse à un projet de création viable.
La prise en compte de tous les besoins d’un porteur de projet, implique de considérer l’accompagnement à la création d’entreprise, non pas comme un ensemble de prestations techniques, mais comme un acte complexe intégrant des données psychologiques et sociologiques d’appropriation et de reconnaissance. Cet acte pourrait s’organiser autour de cinq critères qui différencient les projets de création : le type de porteur de projet, les demandes et besoins en accompagnement, la phase où en est le projet et le type de projet. Le conseiller pourrait ainsi adapter son accompagnement, en fonction des attentes du porteur de projet, de l’état et du type de son projet, et identifier les porteurs qui peuvent juste souhaiter de l’écoute, du soutien psychologique, de l’introduction dans des réseaux, de la logistique ou ceux qui souhaitent de l’information technique ou du financement. On parlerait alors non pas d’un accompagnement mais d’accompagnements à la création d’entreprise !
Brigitte Bailly
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