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La formation est-elle un produit de consommation ?


Alex Dubus suit une formation de psychologue du travail au CNAM et est stagiaire à Expression depuis septembre 2013. Il nous livre quelques-unes de ses réflexions :

Une question reste pour moi en suspens. La formation est-elle un produit de consommation ? Remous dans l'auditoire... Au début de chaque formation, il est demandé aux participants d'exposer leurs attentes vis-à-vis de la formation. J'ai très souvent entendu : "Dans cette situation de conflit, je suis démuni, je voudrais des outils concrets pour y faire face." Ou encore : "Je n'arrive pas à prendre en charge cette personne atteinte de troubles mentaux et souhaite disposer d'un guide pratique afin de m'en sortir." Ces commentaires m'intriguent. Je comprends que des attentes puissent concerner des aspects "techniques" lorsqu'il s'agit par exemple d'une formation informatique ; ou même de l'apprentissage d'une langue vivante. Mais nous parlons ici de formations visant la compréhension de l'être humain ; des pathologies l'affectant ; des relations qu'il entretient avec ses pairs dans le monde du travail. Soyons clair. En aucun cas, je ne reprocherai aux participants de se poser ce genre de questions en formation. Ces dernières sont d'ailleurs légitimes. Je m'interroge plutôt sur les causes menant à ce désir d'obtenir des réponses instantanées et toutes faites vis-à-vis de thématiques nécessitant une réflexion approfondie. Il est vrai qu'aujourd'hui l'instantanéité caractérise le monde dans lequel nous évoluons. Nous sommes devenus des consommateurs exigeants. Nos désirs étant à la portée d'un clic notre frustration est d'autant plus grande lorsqu'ils ne sont pas assouvis. Serait-ce cette impatience qui se matérialise dans la formation ? Lorsqu'une session débute il n'est jamais évident d'annoncer aux participants que nous n'aurons peut-être pas toutes les réponses à leurs interrogations. La fin approchant, je remarque néanmoins que les stagiaires sont beaucoup plus enthousiastes, qu'ils apprécient particulièrement de pouvoir échanger ensemble à propos de leurs questionnements, se délivrent même entre eux des "trucs et astuces" à propos de situations épineuses qu'ils ont pu vivre. Autrement dit, ils ne se sentent plus tout à fait seuls pour affronter le travail quotidien. La solitude professionnelle, sous-tendue par la disparition des espaces de discussion au sein des institutions mènerait-elle à ce désir d'obtenir des réponses immédiates ? Maurice de Montmollin, ergonome, écrivait en 1972 dans "Psychopitres" : "Une formation réussie, c'est-à-dire qui a des objectifs, dans le travail, et qui les atteint, est une opération qui modifie le travail. C'est-à-dire les hommes, qui changent et font autre chose, autrement ; les structures, qui doivent s'adapter ; les hiérarchies, qui se trouvent mises en cause. Une formation sérieuse dérange beaucoup. Beaucoup trop." Je partage tout à fait cet avis. Selon moi, une formation devrait être un espace apportant des réponses. Des apports théoriques certes. Mais avant tout je pense que le rôle d'une formation consiste à mettre en mouvement la parole au sein d'un groupe afin qu'il génère lui-même les réponses à ses questionnements.

Alex DUBUS, Stagiaire Psychologue du Travail chez Expression.


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